TUTTU   PRUGHJETTI    WIP    RICERCA   U SCODDU

Baroncia #1/ 2024
Diptyque, vidéos, 9 min (photogramme)



Baroncia #2/ 2024
Diptyque, vidéos, 9 min (photogramme)

De certaines histoires nous n’en connaissons que la brume qui les entourent, un secret gardé jusqu’à l’épuisement des corps, d’où ne naissent ni textes ni paroles, jusqu’à que nous atteignons l’âge des personnes qui nous ont quitté, dernière possibilité de les cormprendre face à leur fidélité de résistance. De ces histoires naît l’épreuve du récit, en négatif. Depuis le Cuscionu, une vindetta désamorcée qui trouvera son apaisement, acté dans ce traité de paix conservé dans la maison au-dessus de l’arche, comme le rappel de notre condition, de la fragilité de l’équilibre social, et un appel à la préservation du sang qui s’écoule si rapidement. Une histoire que l’on taît, ni de honte ni de pudeur, mais parce qu’elle déjà existe, tacitement, dans tous les cœurs des hommes, c’est un récit que nous avons entendu mille fois se répéter, tragiquement.

De l’image, par la philosophie, nous avons cherché à sortir de la caverne, sortir de l’illusion des ombres et du monde, pour finalement, aujourd’hui, face à l’aflux des mondes, chercher à retourner dans la grotte : échappant au regard, le monde désormais existera caché à toute exposition, dans son ombre où gît maintenant la puissance de dissimulation, un espace utérin de la préservation du récit. Et ainsi, mon père, face au silence, et moi, derrière la caméra, qui demande le silence. Depuis nos appareils, parfois, préserver ce silence, réel, n’est peut être que la seule manière d’en trouver la juste distance à l’image, sans en oublier le cours. Nos paroles de mémoires deviennent paroles de prières, elles aussi transmises dans l’ombre et le chuchotement, jusqu’à ne plus entendre ses voix qui se désœuvrent, volontairement, pour ne pas  charger le monde de son irrémédiable répétition. Nous avons perdu les flammes, mais le lieu reste ; et quand nous perdrons le lieu, le récit se fera ; et quand nous penserons avoir tout perdu, la rencontre perdurera, riche de nouveaux récits.


“Quand le Baal Shem avait une tâche difficile devant lui, il allait à une certaine place dans les bois, allumait un feu et méditait en prière, et ce qu'il avait décidé d'accomplir fut fait. Quand, une génération plus tard, le « Maggid » de Meseritz se trouva en face de la même tâche, il alla à la même place dans les bois et dit : nous ne pouvons plus allumer le feu, mais nous pouvons encore dire les prières — et ce qu'il désirait faire devint la réalité. De nouveau une génération plus tard, Rabbi Moshe Leib de Sassov eut à accomplir cette même tâche. Et lui aussi alla dans les bois et dit : nous ne pouvons plus allumer un feu et nous ne connaissons plus les méditations secrètes qui appartiennent à la prière, mais nous savons la place dans les bois où cela s'est passé, ce doit être suffisant ; et cela suffit. Mais quand une autre génération fut passée et que Rabbi Israël de Rishin, invité à accomplir la même tâche, s'assit sur son fauteuil doré dans son château, il dit nous ne pouvons plus allumer le feu, nous ne pouvons plus dire les prières, nous ne savons plus la place mais nous pouvons raconter l'histoire de comment cela s'est fait. Et encore une fois cela suffit.”
               
           
       
   


               
           
       
   


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