PRUGHJETTI    WIP    RICERCA    U SCODDU

“Ce regard préalable qui porte l’art a besoin de l’illumination. D’où pourrait-elle être accordée à l’art, sinon de la part de la déesse [Athéna] qui, comme πολύμητις (polúmētis), comme la conseillère aux multiples ressources, est en même temps γλαυκηπις (glaukops) ? L’adjectif γλαυκός (glaukós) désigne l’éclat rayonnant de la mer, des astres, de la lune, mais aussi le chatoiement de l’olivier. L’œil d’Athéna est l’œil qui éclaire et resplendit. C’est pourquoi lui appartient, comme un signe de ce qu’elle est, la chouette, ή γλαύζ. Son œil n’a pas seulement l’ardeur de la braise, il traverse aussi la nuit et rend visible ce qui serait, autrement, l’invisible.”
Martin HEIDEGGER, Conférence d’Athènes, 1964



Glaukos#1 / 2024

Diptyque, tirages C-Print deep mat 30 x 40 cm, encadrement noir



“Quelle mesure donner aux mouvements de notre vie face aux millions, peut-être milliards, d’années de ces yeux pers qui ne se fermeront jamais, de cette assemblée d’anonymes pétrifiés qui se cachent, leur regard ne vacille jamais, comme une gorgone ou un basilic. Il est droit, fixe, implacable, il nous charge de la culpabilité de leur disparition en même temps leur sortie de la terre, leur pupille brûlée dans une lumière qu’ils avaient oublié, en attente de l'oracle. Ces êtres inachevés, encore informes, ils sont peut-être eux-mêmes envieux, jaloux de mon corps, ceux qui regarde de leurs yeux qui portent loin comme Cassandre, figés dans le silence. Qui voit, qui regarde ? Alors je fais face à travers ce noir voilé, encore, dans la réciprocité impossible du regard, dans ce système stigmatique rompu, un œil pers pour un œil rouge, dans un champ de l’optique qui dépasse les frontières de l’être optique. Et comme face au loup, on reste muet. J’intègre cette parcelle infinie de temps, je m’y insère pour n’occuper que la place que l’on m’y accorde : un rien, proche du zéro sans jamais l’atteindre, un moment figé, avant de devenir à mon tour, comme le dépôt de lumière sur la gélatine du film, incontestablement, poussière ; porter, désormais, l’odeur du temps.”


“Si pesa u Sciroccu” — Fragment IV, issu de Chì tù fermi stampata




Glaukos#2 / 2024

Ensemble de vidéos infrarouges, boucles, installation



Glaukos#3 / 2024

Tirage jet d’encre  60 x 80 cm, encadré


“U Sciroccu fait revêtir à ochjata son double sens, à la fois éclaircie et coup d’œil : c’est quand vient ce vent caniculaire que le soleil se recouvre d’un voile diaphane, c’hè solionu, une chaleur sans nuage dont l’air dense et trouble provoque des difficultés respiratoires, une affaire de souffle, de [pneuma]. Car ce vent est affaire de la respiration, du corps, du regard, que l’on voile, de l’exhalation ignée. Tant de regards qui errent et ne savent plus où se fixer. Alors, loin du feu mais toujours proche, je regarde alors pierre polie qui brille depuis la cheminée, et qui me regarde à son tour de mille œils différents, plongés dans l’obscurité, d’un éclat rayonnant qui transperce le corps. Sta petra uchjata, au nom des orbites qui se dessinent depuis cette surface noire, son gisement de Campulaghju qui porte le nom de Sainte, celle protectrice des yeux au nom de lumière, a Lucia d’Attallà. Cette pierre synaugique qui nous regarde  depuis le monument aux morts de la place du village, comme si elle était encore en poste, à l’affût, ou depuis le palais des Médicis. Face à elle, le sentiment d’être figé, obscurcit, dans l’écoulement, devenir à notre tour image, leur pupille mouvante, comme les gouttes l’huile dans l’assiette d’a signadora.”


“Si pesa u Sciroccu” — Fragment III, issu de Chì tù fermi stampata




Mark


PER CORPO RIBELLE LASCIAI IL MIO DIO OR PIANGI CUOR MIO LA TUA CECITÀ.