︎ È Fora a Francia
︎ Ekpyrosis
︎ Furiani 1992
︎ Rimondula
︎ Canadairs
︎ Sans-titre
︎ Tabaâ
︎ Incantesimi
Les années 1970 seront un tournant majeur en Corse, tant au niveau culturel et intellectuel par le Riacquistu, mais aussi par la structuration socio-politique de groupes qui formeront le nationalisme corse contemporain. En résistance à une stratégie coloniale mondialisante de l’État Français à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, l’avenir et l’émancipation de la Corse ont été pensés par ces différents acteurs à travers la reconnaissance, tout autant que l’affirmation, de son passé dans l’écriture de son destin. Les nombreux blocages institutionnels amèneront l’émergence des premières actions armées, marqué par l’Affaire des Boues Rouges (1973) puis l’Affaire d’Aleria (1975). Un climat de violence et d’affrontement constant se banalise sur l’île, qui se concrétisera par la création du groupe FLNC (Fronte di Liberazione Naziunale di a Corsica, 5 mai 1976) croisant pensées révolutionnaires et revendications insulaires, se battant pour une politique autodéterminationiste portée par la LLN (Lutte de Libération Nationale, croisant lutte de masse, lutte institutionnelle et lutte armée) et assumant l’utilisation de la violence. Ce climat trouvera son acmée dans les années 1990 avec la séparation de factions du FLNC (Canale Storicu et Canale Abituali, ainsi que le groupe Resistenza) puis le conflit meurtrier entre ces factions, conflit alimenté par la politique d’ingérence de Charles Pasqua. Ce climat aboutira à l’assassinat du préfet Érignac par le groupe Sampiero et la répression qui s’ensuivra, jusqu’à parvenir à un processus de réunification dans les accords de Migliacciaru (1999). Bien qu'un grand chemin ait été fait durant ce demi-siècle et de nombreuses revendications acquises, l’énergie expressive, intellectuelle et politique que portait cette période semble s’essouffler en même temps que la déception de la politique de la majorité autonomiste dans l’île et la résurgence de pensées néocoloniales et fascisantes provenants de l’extérieur de l’île, laissant une jeunesse en crise de sa propre voix.
Aujourd’hui, la lutte armée en Corse porte l'imaginaire d'une résistance nécessaire au nom de la gouvernance de l’île créant encore aujourd’hui un climat social sous tension permanente. Climat hérité des nombreux évènements proches parfois de l’opposition militaire, parfois de la guerre civile ; et dans lesquels tant de personnes issues de la société civile seront impliquées. Récemment, cet imaginaire sera réveillé par les manifestations suitent à l’agresssion d’Yvan Colonna en février 2022, évènements qui mettront fin à la trêve entamée en 2014 par le FLNC. Suite à la victoire de 2015 de la coalition nationaliste, le bilan de ce passé sera fait, et à l’heure où de nombreuses voix témoignent, certains pointent la nécessité de son existence, mais aussi, des dérives qu’elle a pu entraîner. Ce regard critique émerge tandis que de nouvelles violences dites “mafieuses” en Corse vont jusqu’à dominer notre actualité. Cet état de crise, ce cotoiement quotidien de la violence, d’abord revendicatif, puis de droit commun, est déclencheur de cette recherche, qui s’actualise à travers le prisme du feu que porte directement le titre FOCU, littéralement le feu. Le feu étudié à la fois dans l’expression de la violence populaire et clandestine, dans la conception chrétienne et magique, et dans l’utilisation paysanne. Ce projet tente ainsi de questionner le territoire et les corps qui l’arpente dans la tension de violence permanente et l’omniprésence des croyances dans notre quotidien, même au sein des mouvements populaires : entre destruction et renouveau, entre guérison et purfication. Et ainsi le feu permet cette alternance entre notre actualité et l’histoire moderne, entre profane et sacré, entre révolution et domination. Une conscience qui se développe face aux images qui me parviennent : l’instantanéité de l’archive, la réminiscence et la rémanence.
Les titres de ces projets sont liés au feu à la fois dans sa portée violente — le tir — et consumatrice : dans le christianisme la notion d’ “anakephalaiaosis”, la récapitulation ponctuelle du tout, est liée à la consumation par le feu : « ekpyrosis » — ce que l’on retrouve dans les symboliques du feu de Noël et de la Saint Jean, célébration du renouveau des solstices d’héritage païen. Également, l’ “olokaustôma” grecque, substantif de l’adjectif holokaustos signifiant littéralement “brûlé tout à fait”, et à l’histoire sémantique principalement chrétienne, car les Pères de l’Église s’en servirent pour traduire la doctrine du sacrifice dans la Bible, jusqu’à son utilisation moderne dans le cadre de la Shoah.
FOCU est pensée ainsi comme une installation archipélique utilisant plusieurs registres d’images (vidéoprojections, tirages photographiques, archives remontées, textes, performances, etc) et de temporalités (chroniques médiavales, histoire moderne et contemporaine, archives et actualités).
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U tonu è lu focu [Bavedda] / 2025
Aujourd’hui, la lutte armée en Corse porte l'imaginaire d'une résistance nécessaire au nom de la gouvernance de l’île créant encore aujourd’hui un climat social sous tension permanente. Climat hérité des nombreux évènements proches parfois de l’opposition militaire, parfois de la guerre civile ; et dans lesquels tant de personnes issues de la société civile seront impliquées. Récemment, cet imaginaire sera réveillé par les manifestations suitent à l’agresssion d’Yvan Colonna en février 2022, évènements qui mettront fin à la trêve entamée en 2014 par le FLNC. Suite à la victoire de 2015 de la coalition nationaliste, le bilan de ce passé sera fait, et à l’heure où de nombreuses voix témoignent, certains pointent la nécessité de son existence, mais aussi, des dérives qu’elle a pu entraîner. Ce regard critique émerge tandis que de nouvelles violences dites “mafieuses” en Corse vont jusqu’à dominer notre actualité. Cet état de crise, ce cotoiement quotidien de la violence, d’abord revendicatif, puis de droit commun, est déclencheur de cette recherche, qui s’actualise à travers le prisme du feu que porte directement le titre FOCU, littéralement le feu. Le feu étudié à la fois dans l’expression de la violence populaire et clandestine, dans la conception chrétienne et magique, et dans l’utilisation paysanne. Ce projet tente ainsi de questionner le territoire et les corps qui l’arpente dans la tension de violence permanente et l’omniprésence des croyances dans notre quotidien, même au sein des mouvements populaires : entre destruction et renouveau, entre guérison et purfication. Et ainsi le feu permet cette alternance entre notre actualité et l’histoire moderne, entre profane et sacré, entre révolution et domination. Une conscience qui se développe face aux images qui me parviennent : l’instantanéité de l’archive, la réminiscence et la rémanence.
Les titres de ces projets sont liés au feu à la fois dans sa portée violente — le tir — et consumatrice : dans le christianisme la notion d’ “anakephalaiaosis”, la récapitulation ponctuelle du tout, est liée à la consumation par le feu : « ekpyrosis » — ce que l’on retrouve dans les symboliques du feu de Noël et de la Saint Jean, célébration du renouveau des solstices d’héritage païen. Également, l’ “olokaustôma” grecque, substantif de l’adjectif holokaustos signifiant littéralement “brûlé tout à fait”, et à l’histoire sémantique principalement chrétienne, car les Pères de l’Église s’en servirent pour traduire la doctrine du sacrifice dans la Bible, jusqu’à son utilisation moderne dans le cadre de la Shoah.
FOCU est pensée ainsi comme une installation archipélique utilisant plusieurs registres d’images (vidéoprojections, tirages photographiques, archives remontées, textes, performances, etc) et de temporalités (chroniques médiavales, histoire moderne et contemporaine, archives et actualités).
“Comme à la fin du monde dans la tradition chrétienne, le dernier jour est la récapitulation intégrale de ce qui se détruit et se perd pour toujours : l’ekpyrosis, la consumation par le feu, coïncide avec l’anakephalaiaosis, la récapitulation ponctuelle du tout.”
Giorgio AGAMBEN, Le feu et le récit, Payot et Rivage, 2015, 163 p.
“L’image viendra au temps de la Résurrection”
Jean-Luc GODARD, Histoire(s) du cinéma, Gallimard, 1998

U tonu è lu focu [Bavedda] / 2025
Tirage jet d’encre sur papier transparent, 80 x 120cm, installation sur caisson lumineux
