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Insularité
  1. Espace délimité (cadré) conceptuellement et/ou sensiblement. Il définit nécessairement une rupture, un intervalle, une polarité et un seuil. Son habitation vaut comme endémique. [Le corps, l’île, la ruine, l’atome.]
  2. Vecteur plastique pouvant être à la fois ligne, surface, volume, et temps.
  3. Mode de résistance.s et/ou de conflictualité.s.

Image
  1.  Surface profonde dynamique qui maintient des objets dans un système de forces. Elle peut-être provoquée ou spontanée.
  2. Espace morphologique dont les oscillations d’intensité définissent une plasticité, plus ou moins dynamique.


Archipelité
  1. Complexe corpusculaire, dont la liaison se fait par isthme. Sa limite d’action dépend de la définition du foyer (au sens optique) et de son réseau.
  2. Ensemble conceptuel et/ou sensible.[L’atlas, l’archive, la constellation, le peuple.]





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2. Rheûma


Les Grecs connaissaient l’île [nésos] en opposition au continent [èpeiros] mais ils n’avaient pas de mot désignant le concept d’insularité. Alors, ce concept, ils le définissaient en métaphore à partir du bouclier, de la surface son dôme central élevé, le cuir en périphérie vers le bord et l’encerclement qui la tend. “Le concept d’insularité procède donc pour le Grec d’une série d’images qui ont entre elles des liens d’analogie : l’île, le nombril, le bouclier, la coupe ” [Sylvie Vilatte] Mais aussi roue, mamelle, tour, tumulus. Il y a dans la pensée de l’insularité une ontologie focalisée sur le principe la structure atomique, cellulaire et cosmique, une réduction à la plus petite surface du tout, l’unité première. Ainsi, l’île est désignée par le rapprochement avec le nombril [omphalos], qui est également un bétyle, une pierre sacrée située dans le temple d’Apollon à Delphes considérée comme le centre du monde. L’[omphalos] est entouré de bandelettes et dévotement arrosé d’huile, il se dresse près du [chasma], et sur lequel s’assoit la pythie qui va prophétiser ; c’est un symbole de la puissance fécondante de la terre, dépassant même le monde matériel. Dans le catholicon de l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem, un vase de marbre rose contient une pierre ronde marquée d’une croix également appelée [ omphalos]. De cette analogie, l’île se définie également comme un espace de rites par son lien avec l’élévation verticale montagneuse en son centre, un espace de seuil entre le sacré et le profane, un espace de la naissance et du passage des jeunes hommes [kouroï]. Ainsi le concept d’insularité, dans la poésie homérique, se définissait comme la conception d’un paysage harmonique totale dans lequel puiser l’inspiration de la cité idéale, fondée sur les facteurs d’union empruntés aux rites initiatiques, à la forme du chœur et ses circambulations, mais également de la gouvernance et de la répartition des pouvois depuis l’ánax.

Logiquement, les Dieux et Déesses Grecs, ainsi que les entités importantes de la mythologie, sont pour la plupart insulaires de naissance, constituant une géographie et une répartition des pouvoirs en un archipel polythéiste. Ainsi surgit cette question : si chaque île est un centre du monde dans un mode polythéiste, comment se regarde l’île voisine dans une culture monothéiste ? De plus, si nous considérons géographiquement notre territoire, nous pouvons y voir un archipel corso-sarde comprenant les îles avoisinantes, de l’Asinara à Monte-Cristo, et dont les échanges entre populations nous sont témoignés par la comparaison entre structures nuraghiques et torréennes. Pourtant, ces deux îles (et les autres plus largement) appartiennent, après de multiples changements historiques, à deux États différents. De fait, géopolitiquement, l’archipel corso-sarde n’existe pas, ou du moins, il existe dans sa scission. Ce projet photographique prendra la direction de la recherche de cet archipel inefficient et du manque créé, avec notamment le regard porté sur la Sardaigne depuis la Corse. Mais ce regard, loin de la netteté des contours, nous apprend à voir à travers le voile, à avancer dans l’inconnu par l’optique photographique, à regarder les micro-signes qui nous parviennent depuis l’Extrême-Sud, les pierres étrangères disséminées dans la terre. Cet observation est une déconstruction de la vue, et sera transmis dans l’esthétique du projet à travers une image elle-même mise à l’épreuve. Comme un corps perdu, brumeux en flamme qui nous parvient, d’où le nom du projet à ce jour : Rheûma, dans sa double définition qui est à la fois le mouvement du feu, en particulier celui de la lumière projetée par un corps incandescent ou par les yeux, mais aussi les «sécrétions ignées» des miroirs, c’est-à-dire ses réfléchissants. Enfin, ce regard sur la circularité ombilicale, cette quête autour d’un corps scindé, m’emmènent à la question de l’être aimé, prenant part à la longue tradition photographique de l’intimité amoureuse, cette fois à travers le mythe d’Aristophane dans Le Banquet de Platon. Dans ce récit, il y aurait eu au commencement trois sortes d'êtres humains : la femelle, issue de la terre , le mâle, issu du soleil, et l'androgyne, un être «composé des deux premiers et qui les renfermait tous deux», issu de la lune. Les androgynes étaient des êtres ronds possédant deux visages, quatre bras, quatre jambes, deux appareils génitaux, etc., et se reproduisant sans sexualité. Ayant provoqué la colère des dieux en tentant de les égaler, ils furent punis par Zeus qui les sépara chacun en deux moitiés. L'humanité est alors divisée en deux espèces, hommes et femmes. Chaque nouvel être recherche alors sa moitié antérieure pour reformer l'être originel, dans un élan qu'Aristophane nomme erôs. Une fois les deux moitiés réunies, celles-ci ne cherchent plus qu'à s'unir et se confondre à nouveau, et, n'y parvenant pas, finissent par mourir de faim et d'inaction. Pour éviter l'extinction de la race humaine Zeus déplace les organes génitaux sur le devant, afin de leur permettre de s'unir provisoirement, formant les êtres humains actuels.

Lors de cette résidence, ne pouvant photographier cet archipel, depuis la Corse, je suis parti à la recherche de ces structures optiques (souvent militaires), de ces fragments d’insularités (circularités, ruines, trous), de moyens et d’espaces de passages (bateaux, croix chrétiennes), de corps, allégories possibles, et enfin le confronter à ce corps bien-aimé. Tout cela face à l’impossibilité de photographier la Sardaigne. Ainsi faire vivre l’expérience de la séparation pour décrire cette relation entre la Corse et la Sardaigne, par des analogies d’insularité, telle qu’elle a été définie par les Grecs. Il a s’agit ainsi de donner une forme à cette insularité étrangère à tâtons, de tourner autour, de longer les côtes de Senetosa jusqu’à Portivechju en montant jusqu’à Bacinu, afin de questionner notre propre rapport à la vision, donner à notre œil la forme de l’île afin qu’il puisse, à son tour, voir l’île.


Sublimer l’absence / 2024
Collaboration avec Anton Renborg
Édition, 40 pages, impression Olivesi (Aiacciu)
Design graphique : Eugénie Zuccarelli
Dans le cadre de la résidence Corse-Suède, Corsica Luce et Casa Cumuna di Purtiveghju

Les corps incandescents










Les corps incandescents / 2024
Ttirages jet d’encre, format variables, encadrés

Cuntattu

Cuntattu / 2024
Ensemble de 4 Images, tirages jet d’encre, 55 x 68 cm,

Asinara

Sans titre / 2024
Vidéo sonore, 2 min 34 (boucle)

Mark