I Boti
« Il fallait donc oublier que la ressemblance des boti n’avait pas été une fin en soi, mais la clause partielle d’un grand contrat passé avec Dieu, entre désir et promesse, prière et action de grâce. Il fallait oublier que la ressemblance des boti n’avait pas été pensée isolément comme la recherche d’un aspect adéquat, mais qu’elle faisait partie d’un système symbolique qui donnait d’autres voies possibles à son déploiement : par exemple ces boti qui n’étaient faits que d’une masse informe de cire, mais au poids exact – et tel était donc dans ce cas le paramètre de ressemblance – du donateur. »
Georges Didi-Huberman
« Pour Warburg […] l'image constituait un “ phénomène anthropologique total ”, une cristallisation, une condensation particulièrement significatives de ce qu'est une “ culture ” (Kultur) à un moment de son histoire. Voilà ce qu'il faut d'abord comprendre dans l'idée, chère à Warburg, d'une “ puissance mythopoïétique de l'image ” (die mythenbildende Kraft im Bild). Et voilà pourquoi il n'éprouvait aucune contradiction “ disciplinaire ” à orienter ses études sur les “ formules pathétiques ” de la Renaissance — les Pathosformeln, ces gestes intensifiés dans la représentation par le recours à des formules visuelles de l'Antiquité classique — vers des recherches sur les mimiques sociales, la chorégraphie, la mode vestimentaire, les conduites festives ou les codes de salutation. »
Georges Didi-Huberman
I Boti
Texte typographié, 21 x 52 cm, 2024
Tumëtta
Ensemble de briques de cire blanche de cierges de dévotion, correspond au poids exact de l’archive photographique de la famille Leandri de Granaccia contenu dans l’armoire (423 grammes), 2024 (images génératives de préparation)
Car la culture corse reste une culture de la cire : à la fois de l’imago, porté par les très nombreux restes du culte des morts porté depuis le mésolithique ; que celui de l’intensification pieuse basé sur un croisement pagano-chrétiens entre religion catholique et restes chamaniques que témoignent la pensée mazzerique et l’ochju.
L’archive perd ici sa forme, son contenu direct qui pourtant l’opacifie, pour interroger sa substance et son poids, le reste informel de cette masse qui nous arrive et qui emplie le monde de visibilités. La cire en brique devient ici une intensification, déplaçable, reproductible, convertible.
Tumëtta (dialecte italien) : masse arrondie et compacte de cire et de miel résiduel, appelée ainsi comme si c’était une variété de fromage (Giancarlo Plazio).