PRUGHJETTI    WIP    RICERCA    U SCODDU


︎ 1. Piazza di a Ghjesgia è Taranchedda. — GRANACCIA. — Forcunceddu
︎ Orazione
︎ BAN
︎
︎ Stanze
︎ L’imagines
︎ Babbu
︎ Paddaghjolu 
︎ Tumëtta
︎ 01079G561010 
︎ Lagramanti
︎ Defixio [Chì tù fermi stampata]
︎ Baroncia

Ce projet a été montré en partie dans la Galerie de l’ENSP d’Arles pour le diplôme de master (promotion 2025, direction par Tadashi Ono, co-direction par Nicolas Giraud, direction du jury par Léa Bismuth), ainsi qu’une pièce issue du projet FOCU.

    ✦ Diplôme ENSP 2025


Depuis l’histoire de la carte postale en Corse (a cartulina) et le principe pastoral de l’orazione (scapulaire de la Saint Antoine de Padoue), ce projet interroge la circulation des visibilités dans l’île en lien avec les conceptions magico-religieuses qui la traversent. Partant des problématiques de l’économie de l’image en Occident, il a s’agit de mettre en lien cette visibilité du territoire avec sa gouvernance (sous occupation française depuis 1769 après 15 années d’indépendance) pour faire face à un dilemme iconographique : montrer un territoire, est-ce déjà le posséder ? Contrôler l’image d’un territoire, contrôler ses visibilités, ses imaginaires, etc., cela suppose déjà de prendre contrôle du dit territoire — particulièrement dans un territoire aux enjeux autodéterminationistes forts, répondant aux inégalités sociales et à la spéculation immobilière. À rebours d’une approche de la Corse liée principalement à son économie tourisique et à son traitement médiatique lié à la violence politique et criminelle, Chì tù fermi secca se construit autour de la mémoire du village de Granaccia, un village de 80 habitants entre le Sartinesu et l’Alta Rocca, plus particulièrement à partir des récits autour de la famille Leandri dont je suis issue (lignées Casgiulati et Paddaghjolu). Ainsi ce projet se construit en résistance à l’imaginaire continental construit et véhiculé de ce territoire, pour un imaginaire lui-même en résistance : un imaginaire insulaire, un imaginaire circulaire. Cette étude depuis mon village devient alors une manière d’interroger la valeur intensifacatoire de l’image depuis son héritage magico-religieux, du proto-christiannisme au mazzerisme, et ses particularismes socio-historiques. 

Cette étude en résistance se porte particulièrement vers la question de la latence heideggerienne et de ses intensités, plus spécifiquement dans ce projet par la question de l’archive : à la fois dissimulation, gestation, poids, volume, empreinte et survivance — perceptions notamment héritées de la culture latino-chrétienne de nos images. Plus précisement, cette image occidentale porte la charge de la volonté résurrectionnelle des corps par la préservation de la mémoire — la fameuse imago — porté par une économie trinitaire entourant l’icône chrétienne. Car loin de s’arrêter à la photographie, se projet se compose, en archipélité, par de multiples installations qui entrent en résonnance, en relation. Et finalement, face au paysage, face à l’outil, face au visage, face à l’icône, chaque geste de latence devient geste de résistance, et chaque résistance un besoin de renouer avec le récit. Cette étude quasi-étymologique de l’imagement dans sa conception occidentale va tout autant vers des pratiques vernaculaires qu’intercesseuses, afin de résoudre la problématique de l’exposition : comment la production d’image permet la production de résistance ? Car loin de proposer une visibilité circulante du village de Granaccia, c’est bien l’interrogation et la production d’une mémoire fermentée, à l’abri du regard et de la lumière qui m’intéresse, une expérience du manque et de l’absence, une expérience de la hantise.

C’est ainsi que ce projet porte une conception de l’art en tant que proposition d’expériences, dans la création d’espaces communs du récit par portés par le manque et la dissimulation. Cette conception questionne autant la position de l’artiste en tant que néo-conteur et la question de la marchandisation de ces expériences, prolongeant l’angoisse benjaminienne face à la pauvreté de notre modernité par la perte des espaces de circulations du récit. Et alors, d’une résistance à l’image (coloniale) se pose la question d’une résistance par l’image (insulaire) : une reprise du contrôle par la circulation des récits, cette fois-ci, et de commun, systématiquement.

Le titre est une ghjastema (anathème) qui provient de la légende d’A Spusata (cf. Lucciole), et traite de ce double statut : entre fixité sentencielle et impossibilité de la transmission.



Lagramanti [Granaccia] / 2024
Tirages jet d’encre, format variable



“La mémoire fonde la chaîne de la tradition, qui transmet de génération en génération les événements passés. Elle est la muse du genre épique dans son acception la plus large. Elle embrasse tous les sous-genres de l’épopée. Parmi ceux-ci figure au premier rang l’art incarné par le conteur. C’est la mémoire qui tisse le filet que forment en définitive toutes les histoires. Car celles-ci se raccordent toutes entre elles, comme les grands conteurs, particulièrement les Orientaux, se sont toujours plus à le souligner. En chacun d’eux vit une Schéhérazade, pour qui chaque épisode d’une histoire en évoque tout aussitôt une autre. Nous rencontrons là la forme épique du souvenir, qui est le principe inspirateur du récit.”
Walter BENJAMIN, Le conteur. Réflexions sur l’œuvre de Nicolas
Leskov
(1936), trad. M. de Gandillac, revue par P. Rusch, Œuvres, III,
Paris, Gallimard, 2000 

“Le conteur est la figure sous laquelle le juste se rencontre lui-même.” 
Walter BENJAMIN, Le conteur. Réflexions sur l’œuvre de Nicolas
Leskov
(1936), trad. M. de Gandillac, revue par P. Rusch, Œuvres, III,
Paris, Gallimard, 2000


Mark


PER CORPO RIBELLE LASCIAI IL MIO DIO OR PIANGI CUOR MIO LA TUA CECITÀ.